« Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi »
Jésus dans le passage précédent vient de dire à ses disciples qu’il n’est pas venu apporter la paix sur la terre mais l’épée, cette arme qui tranche, sépare, libère l’enchainé.
Pour suivre Jésus il me faut choisir de le suivre, opter pour Lui, être libre, ne pas être sous influence, pas même une influence familiale. Suivre Jésus, c’est donner ma vie aux autres, (perdre ma vie) mourir à mes désirs qui m’enferment sur moi, et cela m’ouvre à la richesse de l’autre, des autres et à travers eux à l’Autre, au Tout Autre (gagner la vraie vie). La récompense (le salaire) promise aux disciples est la rencontre du Père qui habite en chacun de nous.
Martine Vercambre
Est-ce un chemin inhumain et doloriste qui nous est ici proposé? Pris au pied de la lettre, ce texte est une provocation… je préfère, en cohérence avec tout l’Évangile, y voir un appel au dépassement de ce qui peut déjà être une belle chose : aimer les siens sans condition, apprendre à aimer déjà dans le cercle familial. Quant à la croix ici évoquée, il n’est pas dit que Dieu ni ne la souhaite, ni ne la fabrique, ni ne nous l’impose, il nous est demandé de faire le libre choix de la prendre… choix de la responsabilité.
Continuer d’aimer les siens oui, mais voir aussi au-delà, dépasser son environnement immédiat autocentré : par une attitude héroïque? Pas forcément, quoi de plus simple qu’un ‘simple verre d’eau fraîche’…
Et un mot revient en rengaine : accueille, accueille, accueille…
Sortir de soi-même pour accueillir, être attentif aux soifs humaines, supporter sa part de difficultés : un programme d’amour dans lequel celui qui s’y engage n’est pas perdant.
Dominique Pain
« Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi, son fils ou sa fille plus que moi, n’est pas digne de moi » Plus loin dans Mathieu, au chapitre 12 on trouvera : « Qui est ma mère ? Et qui sont mes frères ? Celui qui fait la volonté de mon Père est pour moi un frère, une mère, une sœur. » J’imagine Jésus rejetant sa mère, Marie. Comment est-ce possible ? Ces phrases nous prennent aux entrailles car qui voulons nous aimer plus que tout en cette vie terrestre ? Nos parents, nos enfants, nos frères et nos sœurs tant que les rivalités et les mesquineries humaines n’ont pas abimé ces liens. L’ancien testament disait déjà : « Honore ton Père et ta Mère ». Jésus ne peut pas aller à l’encontre de cela. Il n’est pas venu abolir la loi, mais l’accomplir, lui donner une dimension plus grande encore, qui dépasse largement la notion de quelques règles à suivre. Les personnes de père, mère, frères et sœurs prennent en Christ une nouvelle dimension, qui puise sa source, pour nous chrétiens, dans le baptême. Nous sommes invités à manifester le visage du Christ caché en nous, et à reconnaître en chaque personne rencontrée le Christ présent. C’est le sens de l’accueil multidirectionnel qui nous est proposé : Accueil de mon prochain, Accueil du Christ présent en lui, et donc Accueil du Père. Un accueil sans limite qui dépasse infiniment l’amour humain que l’on peut éprouver, aussi grand soit-il, pour un père ou une mère, pour un frère ou une sœur, pour un enfant.
Porter sa croix, perdre sa vie. Quelle exigence ! Mais n’est ce pas cela vivre en Christ et par Lui ? Accepter de traverser les épreuves de la vie dans la confiance, en sachant qu’il est là, présent, et qu’il porte ces difficultés avec moi. En sachant aussi qu’il est présent dans tous ces êtres qui m’accompagnent sur mon chemin de vie, et que par eux, il se fait proche.
Sabine Llido
Nous connaissons bien l’épisode de la pauvre veuve de Sarepta « qui a pris sur sa misère pour mettre tout ce qu’elle possédait »(Marc 12,41), et nous connaissons moins la femme riche de Sunam (2R4).
Aujourd’hui, elle vient nous interpeller par son accueil, sa bienveillance à l’égard d’Elisée, l’homme de Dieu.
Et nous, quel accueil faisons nous à nos hommes de Dieu ?
Qu’en est- il de notre sollicitude à l’égard de nos prêtres, religieux(ses), consacré(es)?
Ne soyons pas étonnés, désolés du peu de vocations! Ne seraient-elles pas la conséquence d’une sollicitude timide et réservée? Ne seraient-elles pas la conséquence de nos exigences à la recherche de la personne dynamique, parfaite, irréprochable, le top-modèle de l’homme de Dieu ? J’ai même lu un jour un ouvrage au titre ronflant et évocateur » les prêtres d’exception dans le diocèse de l’Hérault « , ce qui n’est pas très flatteur pour tous les autres !
La femme riche de Sunam vient nous dire que la richesse n’est pas seulement une affaire de gros sous, mais que la richesse est avant tout une affaire de cœur, et même plus, elle vient nous dire que ces 2 richesses ne sont pas incompatibles, et qui plus est un jour d’élection .
Voilà, je m’arrête là avant de déraper sur un autre terrain. Je pense alors à ce slogan choc (mais efficace) de la fondation des monastères « Donnez pour ceux qui donnent tout « .
« Qui vous accueille m’accueille » Mt10, 37 Gros gros programme! Votez pour Lui!
Vous ne serez jamais déçus !
Jean-Pierre Ricome
Il y a une façon de recevoir un retour de ce qu’on fait. Celle-là n’est pas seulement sur une base de calcul, mais sur une base de partage, d’échange, de réciprocité. Je te rends un service et quand l’occasion se présentera, tu m’en rendras un. Je te reçois chez moi, je t’accueille pour un repas, j’espère que tu me recevras aussi, et c’est bien encore aujourd’hui.
C’est normal de s’attendre à ce qu’il y ait un retour lorsqu’on fait quelque chose pour quelqu’un. « Si on aide un prophète, on aura une récompense équivalente, une récompense de prophète, dit Jésus ». Sans être calculateur, lorsqu’on accueille quelqu’un, il est normal qu’il y ait un retour en proportion de ce qu’on a fait.
Mais il y a une autre façon de recevoir un retour de ce qu’on fait, c’est de recevoir beaucoup plus qu’on ne s’attend. Jésus ici nous montre comment. Lorsque j’aide ou accueille tout à fait gratuitement avec le cœur, avec amour, lorsque j’accueille un petit, celui ou celle qui ne peut rien me donner, là, la récompense est quelque chose de spécial parce que l’amour ça ne se mesure pas comme le reste, parce que l’amour me fait sortir de moi. Je ne regarde pas à ce qui me reviendrait au retour. J’aime. Je donne, un point c’est tout.
C’est là que l’amour de Dieu est un modèle car Dieu le Père nous donne tout, même son Fils. Nos amours humains, l’amour conjugal, l’amour filial, l’amour des parents pour leurs enfants s’en inspirent même s’ils ne réussissent pas toujours à atteindre cet idéal.
Antoine Jordan
A première vue ce texte paraît être une succession de maximes, mais on découvre qu’en réalité il s’agit d’un même appel, celui des choix nécessaires, des renoncements exigés par fidélité à l’évangile.
» Porter sa croix » ….
Certes Jésus exprime ici la conscience de la persécution qui l’attend, réservée également à ceux qui marcheront à sa suite. Il est vrai que les premiers chrétiens ont subi les persécutions qui se poursuivent encore dans notre monde.
Toutefois, sans atteindre une telle extrémité, affirmer sa foi, vivre les valeurs évangéliques peuvent nous conduire à être humiliés, rejetés. Il est parfois difficile de témoigner à ses amis et à ses proches au risque de provoquer des déchirures, des ruptures. Cf. » Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi….. »
Le thème de l’accueil revient plusieurs fois dans ce passage d’évangile.
» Qui vous accueille m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé. «
Jésus insiste sur la qualité de la relation qui le lie à son Père.
Jésus nous invite à l’amour inconditionnel :
être accueilli en tant que disciple, mais aussi accueillir comme le Christ toute personne et voir en elle son visage.
Humainement parlant, ceux qui vivent une véritable relation d’amour savent que l’important demeure la profondeur des sentiments, la communication entre les êtres.
Il est aussi question de » récompense « , mais ne nous méprenons pas sur ce terme. Nous ne sommes pas dans le domaine de l’avoir, car en amour on ne compte pas !
Ce que Dieu nous donne n’est pas quantifiable, c’est dans le domaine de l’être : c’est la vie éternelle, la vie dans son intimité. Tous les saints témoignent d’une qualité de bonheur.
En conclusion, » Etre saisi par le Christ » comme dit St Paul, voilà l’enjeu vital ; ce feu intérieur qui nous brûle et nous engage à faire la volonté du Père.
Cet évangile fait écho à l’interpellation de Luc au cours d’une homélie de cette semaine. En substance : souhaitez-vous faire la volonté de Dieu ?
Interrogez-vous sur « Qui », sur « quoi » vous construisez votre vie.
Vivianne Le Duff