La première lecture, du livre de Job, nous décrit un homme désabusé, pris dans les mailles d’un quotidien sans relief. Une vie sans lumière, sans espérance, sans relation. Puis le psaume nous invite à louer le Seigneur, lui qui guérit les cœurs brisés et soigne leurs blessures. Saint Paul évoque la mission qui lui a été confiée, annoncer l’évangile, c’est à dire la bonne nouvelle, cette nouvelle source d’espérance. Celle-là même qui pourrait faire renaître Job à la vie. Enfin l’évangile nous montre Jésus à l’œuvre, toute une journée, puis le lendemain. Nous voyons Jésus qui relève, guérit sans cesse, chasse les démons.
Un aumônier protestant évoquait récemment des témoignages de personnes désespérées qui l’interpellaient en disant : »Regarde ma vie, où est il ton Dieu ? Que fait-il ? » Notre Dieu s’est fait homme, et tout au long de sa vie terrestre, il n’a cessé de soigner, de réconforter, d’accompagner. Aujourd’hui encore, il vient nous rejoindre en chacune de nos vies.
L’évangile se poursuit, après une journée bien remplie, Jésus dans son humanité prend du repos. Mais il se lève bien avant l’aube pour prier, dans un endroit désert. C’est là, qu’il puise à la source, tout ce qui alimente sa vie. Il est là son Dieu, son Père qui l’aime, qui le guide, le conduit.
A l’image du Christ, au cœur de nos vies, même si celles ci nous semblent fades ou même amères, osons nous nous tourner vers notre Dieu, nous laisser aimer, et si les mots nous manquent, reprenons ceux du psaume « le Seigneur élève les humbles, entonnez pour le seigneur l’action de grâce, »
Alors ma vie, aussi blessée soit elle, retrouvera de la saveur, du sens, suffisamment pour aujourd’hui, demain sera un autre jour.
Situons tout d’abord ce passage d’évangile. Jésus et ses disciples sortent de la synagogue de Capharnaüm où Jésus a commencé son ministère public et délivré un possédé. Les versets qui nous sont proposés ce jour nous montrent la façon d’agir de Jésus, la marche à suivre pour faire connaître la Bonne Nouvelle du salut. Ils s’adressent en premier lieu aux disciples mais aussi à tous les chrétiens qui souhaitent évangéliser.
Prendre soin de ceux qui nous sont proches » Aussitôt, on parla à Jésus de la malade. Jésus s’approcha, la saisit par la main et la fit lever…… » Jésus va dans la maison de Simon et d’André. La maison est le lieu d’intimité, de communication, d’entraide, en principe à l’écoute des besoins des uns des autres. Notre premier devoir est d’abord d’être au service de notre famille. Nous pouvons étendre cette notion à l’Eglise où le peuple de Dieu se rassemble en frères.
Attitude face à la maladie et la souffrance » Il guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies et il expulsa beaucoup de démons… » Jésus guérit les malades car la maladie est un mal dont il faut se débarrasser, elle contrecarre le projet de Dieu qui souhaite l’anéantir. La prédication de l’évangile n’est pas que paroles, elle s’adresse à l’homme dans son intégralité. Le Seigneur lutte conte tout ce qui fait souffrir l’homme. Le mal, la souffrance … tous les peuples se sont forgé des explications. N’avons-nous pas entendu : » Pourquoi moi à l’annonce d’un malheur ? Des théories sont émises, la plus terrible invoque l’arbitraire des décisions divines ; la seconde plus largement
répandue » Tu as péché, tu paies. » Ces théories sont battues en brèche par le livre de Job, dont nous avons entendu un extrait ce jour. Nous devons reconnaître humblement notre incapacité à expliquer la souffrance et nous en remettre avec confiance entre les mains du Père.
Puiser sa force en Dieu « Le lendemain, Jésus se leva avant l’aube. Il sortit et se rendit dans un endroit désert et là il priait. » C’est parce qu’il est totalement uni au Père dans la prière silencieuse, qu’il est totalement donné à ses frères et sensible à toutes les misères humaines. » En tout point semblable à ses frères et en même temps accrédité auprès de Dieu (Hb 2,17). Dans la mesure où grandit notre union avec le Christ, il modèle notre vie et notre cœur, selon cette double communion avec le Père et le Fils. Remettons notre vie au Seigneur, demandons-lui de faire sa volonté, osons lui poser la question » Qu’attends-tu de moi ? Faisons silence pour attendre sa réponse et soyons attentifs car léger est l’appel de l’Esprit, sachons le reconnaître.
Évangéliser, » l’Église en sortie » » Malheur à moi, si je n’annonce pas l’évangile…. » Jésus leur dit : » allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’évangile…. » Allons ailleurs, c’est ce que chacun d’entre nous entend au creux de sa foi au Christ. Non pas ailleurs tout seul mais avec Jésus. C’est la mission universelle de chaque chrétien. Evangéliser pour que tous les hommes reçoivent la semence du salut, non seulement par nos paroles mais surtout par nos actes. Afin que nos frères soient touchés, nous devons vivre en vérité, c’est notre propre conversion qui donnera du poids à notre témoignage.
En conclusion, Le sens de notre vie se trouve dans la prière, dans le dialogue avec le Seigneur qui nous fera connaître sa volonté en toutes choses, reste à l’homme de l’accomplir en toute liberté, de trouver un équilibre entre l’action et la contemplation.
Dans ce passage les « aussitôt » contrastent avec la simplicité et la douceur de cette scène de guérison. La belle mère de Simon n’a rien demandé peut-être est elle assommée par la fièvre ? Le « on »qui parle d’elle à Jésus est inquiet, a fait attention, est sûr que Jésus peut agir. C’est le même « on »qui amène les malades à Jésus. Comment aujourd’hui être un peu partie prenante de ce « on »? Être attentifs aux malades qui nous entourent? Je rends aussi grâce pour ce service que rendent beaucoup de malades et d’handicapés qui même s’ils ne se lèvent pas physiquement sur leurs pieds savent transmettre leur joie et envie de vivre qui est signe de résurrection même dans un corps dépendant. Je relève pour Jésus l’importance de la prière, cette union à son Père, source de sa vitalité, de son amour pour chacun et de sa capacité à relever et guérir.
Ce jour-là Jésus est dans une maison de Palestine. C’est ce que font aujourd’hui ceux qui visitent et accompagnent les malades : depuis le service évangélique des malades, jusqu’aux associations de soins palliatifs, en passant par toutes les solidarités de voisinage. ‘’Jésus fit lever la belle-mère de Pierre’’. On emploie le même verbe pour dire la résurrection de Jésus. Prendre soin, c’est toujours, d’une certaine manière, remettre debout. ‘’La fièvre la quitta et elle les servait’’. La belle-mère de Pierre est réintégrée dans son rôle familial. Quand Jésus prend soin, il restaure les personnes dans leur corps, dans leur cœur, dans leur fonction sociale. Celles et ceux qui nous interpellent aujourd’hui sont des millions d’hommes et de femmes marginalisés économiquement et socialement, âgés ou sans travail, sans avenir et sans relation, vivant dans l’inquiétude, tous meurtris dans leurs corps, leur tête ou leur cœur. Le service des professionnels de santé leur est nécessaire. Mais ils ont d’abord besoin que l’on prenne vraiment soin d’eux : d’un regard qui rend confiance, d’une proximité qui réchauffe, d’une bienveillance qui réconcilie avec les autres et avec soi-même. Ils ont besoin de nous mais nous avons aussi besoin d’eux. Tous nous avons en commun l’expérience de la fragilité humaine. A travers la fragilité reconnue et acceptée, nous faisons l’expérience fondatrice de nous en remettre à d’autres pour vivre. Xavier Thévenot prêtre de Don Bosco, un grand théologien moraliste écrivait : ‘’Il y a une seule façon de croire encore à l’amour quand on désespère, c’est d’expérimenter la présence de quelqu’un qui, auprès de vous, humblement, est là en train de vous respecter. Quand je désespère, quand l’amour semble loin, la seule façon de croire que l’amour et que Dieu existent, c’est d’expérimenter qu’il y a une petite source d’amour pour moi ici et maintenant : la présence d’un ami. Alors, s’il y a une petite source d’amour, c’est peut-être qu’il y a une grande nappe d’amour qui l’alimente.
Au cœur même de la banalité de nos vies, de sa routine, et de ses galères, » vraiment la vie de l’homme sur la terre est une corvée…je n’ai en partage que le néant, je ne compte que des nuits de souffrance.» Job 7, 1-7 Jésus vient rompre notre banalité pour lui donner sens : en allant, en saisissant, en guérissant, en expulsant, et en priant. Marc 1 ,29-39. Avec le Christ la vie la plus simple, banale, routinière en apparence, devient vite riche de sens, d’amour et de fraternité. A l’inverse sans le Christ la vie la plus exaltante en apparence, peut devenir vite vide de sens, d’amour et de fraternité. St Paul vient nous dire, débrouillez vous comme vous vous voudrez, mais » Frères, annoncer l’Évangile…c’est une nécessité » 1CO 9, 16.
En cette journée mondiale des malades, unissons-nous à tous nos frères et sœurs malades, à leurs proches, et aux soignants. « Il est bon de fêter notre Dieu, Il guérit les cœurs brisés, et soigne leurs blessures ». Psaume 146
Jean-Pierre Ricome
Le cri de Job est celui de la souffrance innocente. Il blasphème et il adore, il en appelle à Dieu contre Dieu. Il refuse les explications toutes faites du mal et de la souffrance que lui opposent ses amis. Je me rappelle quand j’étais aumônier militaire et qu’un jeune tombait mort pour la France avoir été devant la révolte de parents, d’une épouse, de jeunes enfants. Ils exprimaient leur révolte contre Dieu et je ne pouvais que dire « vivez votre révolte, criez-la. ». Il m’est souvent arrivé de recevoir des courriers de personnes apaisées. Prions pour les personnes qui ont un des leurs au Mali, au Moyen Orient et en bien d’autres lieux et qui vivent l’angoisse au quotidien.
La souffrance reste une énigme et la mort aussi. Il n’y a pas de réponse. Il y a une Présence mystérieuse au cœur du mal, que Job a pressenti. Saint Paul l’a compris quand, à la suite de Jésus, il veut devenir « le serviteur de tous » et se faire « tout à tous ». Nous avons besoin de témoins qui révèlent la présence agissante de Dieu au sein du malheur et de l’injustice.
Job réclamait à cors et à cris une explication à la souffrance. Sur ce point, Jésus ne répond pas. La souffrance n’est pas de l’ordre de l’explicable, elle est de l’ordre du mystère. Le romancier Eric-Emmanuel Schmitt parlant de sa conversion a eu ces mots : « en devenant croyant, disait-il, je suis passé d’un monde qui n’a pas de sens à un monde mystérieux ». Jésus n’a pas répondu par des phrases. Selon le beau mot de Paul Claudel, il n’est pas venu « supprimer le mal, encore moins l’expliquer ; il est venu le remplir de sa présence ».
Christian Chanliau+