A la grotte bénie, j’ai prié pour … moi.

Il était tard ce soir-là après la procession aux flambeaux. Quelques rares pèlerins étaient encore présents à la Grotte. J’étais assis sur un banc, dos au Gave, dont je sentais la fraicheur en cette nuit de début novembre. Sur le banc voisin, une maman et son jeune garçon priaient pour un époux et un père prématurément disparu. L’enfant demanda à sa mère l’autorisation de se rendre jusqu’à la Grotte. La maman donna son accord. Après quelques instants passés devant la roche de Massabielle, l’enfant revenu, prononça cette phrase, qui depuis, est resté gravée dans ma mémoire, « on se croirait devant la crèche ». Il avait tout compris. En effet, depuis 1858, la Dame nous invite ici à rencontrer son Fils et à prendre conscience de son désir de rédemption de l’humanité. « Pénitence, Pénitence, Pénitence ».

Moi aussi Marie, dans la nuit naissante et la solitude de l’heure tardive je suis venu m’adresser à toi. Je t’ai posé tant de questions que ma mémoire ne les a pas toutes retenues. Ce dont je me souviens c’est qu’il y avait beaucoup de « pourquoi ? ». Pourquoi l’univers ? Pourquoi j’en suis un élément ? Pourquoi je suis un homme et non une femme, un blanc et non un autre, un bien portant et non un infirme, etc. ? En bref, qui suis-je et pourquoi ? Pour seule réponse j’ai reçu de toi un sourire maternel. Par ce gracieux sourire tu m’invitais à accepter l’unique et essentielle réponse destinée à toute créature, « sache que Mon Fils et son Père t’aiment ». Alors je me suis souvenu des paroles de ce prêtre lors de la célébration d’obsèques. « Vous croyez en un Christ, qui sans tâche, est mort sur une croix pour acquérir la rédemption de l’humanité et vous êtes scandalisés par notre propre mort, nous qui avons péchés. Dieu étant maître de toute chose, nous nous demandons pourquoi nous a-t-il laissés confrontés au bien ou au mal. Quelle plus grande preuve d’amour pouvait-il nous donner que de nous laisser libres de choisir ? » Alors j’ai repris mon tâtonnement à zéro. Je suis venu devant Toi, pliant sous le fardeau de mes angoisses, de mes remords, de mes erreurs, de mes doutes. Je suis venu avec mon raisonnement humain et mes pensées incomplètes. Après notre échange, me voilà maintenant le cœur léger et l’esprit confiant. Plus de pourquoi, plus de comment. La réponse est là, devant moi. Cette grotte n’est plus ce lieu sordide et malsain des années 1850, il est devenu l’écrin que Tu as choisi pour visiter Bernadette, il est ce lieu où des millions de pèlerins passent et prient. Il est aussi ce creux assimilé à l’étable de Bethleem par un petit garçon. En réalité, cette grotte, au fond de laquelle coule une source intarissable d’eau et de grâces symbolise, aussi, le tombeau ouvert et vide, d’où le Fils de l’Homme ressuscité témoigne de sa victoire sur la mort. Merci ô Vierge Marie. J’étais dans la pénombre de l’incertitude, me voilà dans l’aurore d’un avenir réconforté.

Note pour le pèlerin du diocèse de Montpellier.

Au terme de sa visite des sanctuaires, avant de quitter Lourdes, le voyageur-pèlerin s’accorde un dernier passage à la Grotte et porte son regard vers le creux du rocher où trône la statue de Notre-Dame. Il ignore sans doute qu’en juillet 1913, Mgr de Cabrières, évêque de Montpellier, venant ici, « pour un acte de solennelle reconnaissance, suite à sa récente nomination cardinalice et fêter le 60ème anniversaire de son ordination sacerdotale », s’adressant à son confrère, gardien des sanctuaires, Mgr Schoepfer, se fait l’interprète des félibres languedociens pour que soient gravées sur le socle de la statue, les paroles de la Dame : « Que soy era Immaculada Councepcion » en gascon, car disent-ils : « la Dame ne s’est pas adressée en français à Bernadette, mais en patois. » L’inscription, en lettres en bronze doré, réalisée par Armand Calliat (1822-1901), orfèvre lyonnais fut inaugurée le 04 juillet 1914 mais mise en place uniquement, pour cause de guerre, le jeudi 30 mars 1916.