partage d’évangile du dimanche 14 février, « La lèpre le quitta et il fut purifié » (Mc 1, 40-45)

Dans le contexte de la pandémie, je lis la 1ère lecture avec un regard particulier et je pense à toutes les personnes que la covid a maintenues isolées. Toutes celles qui ont affronté l’épreuve de la maladie, de la mort même, dans la solitude, visitées seulement par les soignants habillés en cosmonautes. Je pense à ces conjoints, ces enfants que l’on a tenus éloignés pour éviter le risque d’une contamination.
Dans l’évangile Jésus n’hésite pas à s’approcher du lépreux, il le touche même, et il le guérit avec pour préambule la demande de celui-ci « Si tu le veux, tu peux me purifier ». Le Seigneur vient nous rejoindre jusque dans nos solitudes extrêmes, à condition que nous l’appelions.
Le psaume m’invite à élargir mon regard. La solitude, la mise à l’écart ne sont certainement pas que sur le plan physique. Tout ce qui m’éloigne de Dieu m’isole. Aussi bien mon refus de l’accueillir, de lui faire une place dans ma vie, que mon refus d’accueillir mes proches tels qu’ils sont, ou encore de rétablir et de soigner les liens abîmés. Seul le Seigneur peut restaurer ces liens. Lui seul peut me rejoindre, me toucher, me relever. Mais c’est à moi de faire le premier pas. « Si tu le veux, tu peux me purifier ! » « Que le Seigneur soit votre joie ! Exultez hommes justes !  » 

Pur et impur : La liturgie de ce dimanche nous projette dans le monde de l’Ancien Testament, le monde du pur et de l’impur. La première lecture du livre des Lévites nous parle des lépreux qui sont considérés  comme impurs tandis que l’évangile aborde la purification d’un lépreux. La notion de pureté  et d’impureté est centrale dans l’ancienne alliance, elle définit le rapport au sacré : si je suis pur, je peux m’approcher de Dieu, si je ne le suis pas, je ne peux pas. Jésus va révolutionner ce rapport au sacré et le transformer radicalement.
Une notion non liée à la morale : Nous avons souvent une vision très moralisante de la pureté. Pour nous  « être pur » signifie «être sans péché ». Ce n’est pas la conception de la Bible. Il y a par exemple des animaux, des aliments impurs, des situations qui peuvent rendre impurs tels que l’accouchement et la mort. Bien sûr, une  maladie comme la lèpre est un critère d’impureté. Cette impureté peut être levée par le lavage du corps, des vêtements. Il est aussi possible d’offrir  des  sacrifices expiatoires comme le bouc  émissaire, expression toujours employée de nos jours. La pureté est la condition légale et nécessaire pour participer au culte et à la vie de la communauté. Le jour où j’ai fait cette découverte, j’ai lu différemment l’évangile du bon samaritain ; j’ai donné une autre interprétation à l’attitude du  prêtre et du lévite  qui n’ont certainement pas secouru le blessé car toucher le sang les rendaient impurs ! En conséquence et paradoxalement, je peux être plein de péchés et pur, impur pour les raisons évoquées ci-dessus.
De la pureté du corps à la pureté du cœur : Avant Jésus, les prophètes ont commencé à corriger ce qui pouvait être une aberration.  Ils proclament que ni les ablutions rituelles, ni les sacrifices n’ont de valeur en soi, s’ils ne comportent pas une purification intérieure. Le péché est la vraie impureté : ce qu’il faut purifier, c’est les lèvres et le cœur  (de nombreux passages y font référence). Jésus proclame que tout aliment est pur, que tout ce qui vient de l’extérieur est pur car la création est une œuvre divine.  Pour Jésus, ce qui est impur c’est le manque d’amour de mes frères : refus de pardonner, rejet, avidité, orgueil, etc…
Ne pas avoir peur de s’approcher de Dieu : Jésus va révolutionner cette notion de pur et d’impur et changer le rapport au sacré. Je peux toucher Dieu au travers de  son fils Jésus qui s’est fait homme. Il s’est fait nourriture, je le reçois dans ma main dans le geste de communion, mais aussi dans mon cœur. Je peux m’entretenir avec lui, il me parle par sa Parole, au travers de mes frères, des circonstances de la vie. La seule purification que je dois respecter pour venir le rencontrer, c’est venir à Lui avec un cœur pur et sincère, confiant, qui a faim et soif s’approche de Lui comme le lépreux en disant :  » Si tu le veux, tu peux me purifier. » 
 »  Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre…  » : La première partie de la phrase est très significative. Le fait pour Jésus d’avoir eu un contact avec un lépreux l’a rendu impur  et   » il ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais restait à l’écart, dans les endroits déserts.  » Peut-être est-ce le message de cet évangile. Jésus se retrouve là où nous mettons ceux que nous avons déclarés impurs : les exclus… et c’est là où Jésus nous attend.
 » Va te montrer au prêtre… » : L’œuvre du salut s’accomplit. Les temps nouveaux sont arrivés ; le Messie d’Israël est présent au milieu de son peuple, lui qui fait toute chose nouvelle.
La guérison du lépreux est donc pour nous-mêmes un témoignage : le Seigneur prend tout homme dans son amour et sa miséricorde infinie. Chacun de nous est l’Enfant prodigue dont le Père attend impatiemment le retour pour nous guérir de notre lèpre.

Saisi de compassion, ému jusqu’aux entrailles: qu’est-ce que cela signifie?
Jésus est dans l’ouverture parfaite à la vie et à la grande souffrance du lépreux au point d’agir sans prêter attention aux conséquences de ses actes. La lèpre contagieuse n’était pas guérissable à l’époque. Or Jésus touche le lépreux mettant raisonnablement sa vie en danger. Mais Jésus est porté par cette force d’amour, force de Vie,  qui ne calcule pas, qui se donne, et qui guérit l’autre. Ensuite, Jésus en assumera les conséquences. Malgré la consigne de silence donnée, le lépreux est libre et il proclame sa guérison au point que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans les villes…Jésus n’aura pas la lèpre mais sera tué par ceux qui furent déstabilisés par son message.
Cette expérience, à mon échelle, ne m’est pas étrangère. Portée par l’attention aux besoins de l’autre, par l’amitié/l’amour, je peux m’engager sans avoir réfléchi à toutes les conséquences des actes. C’est particulièrement vrai pour le mariage ou les relations d’affection! Il me faut ensuite réfléchir et assumer. Mais je le fais relativement sereinement, car je crois que Dieu m’accompagne toujours et partout. La puissance de Vie lui appartient et Il assumera avec moi!
Et l’expérience de la vie me conforte sur ce chemin.
Martine Vercambre

Hier, au temps de Jésus, les lépreux étaient des « intouchables ». Ils sont totalement exclus de la vie commune. On les tient à distance, parqués à la sortie des villages. Tellement à distance qu’ils doivent, les pauvres, agiter une clochette ou bien crier « impur…impur… ››, pour que personne ne les croise.
Ceci, pour éviter la contagion, Ils étaient à distance des hommes parce qu’on les disait à distance de Dieu. Eh bien! Jésus contredit tout cela…et c’est cela la Bonne Nouvelle !  Avec Jésus, une telle nouveauté surgit que le lépreux oublie qu’il faut rester à distance ; il vient près de Jésus et lui dit des choses qu’on ne peut dire qu’à Dieu: «Si tu veux, tu peux me guérir ». Il étend la main et chose incroyable, il le touche ! Il touche un intouchable ! Il veut révéler le visage d’un Dieu qui aime tous les hommes, sans exception, sans distinction. Pour Dieu, il n’y a pas d’intouchables, d’inguérissables, d’irrécupérables, d’impardonnables. « Le Fils de l’homme est venu pour sauver ce qui est perdu ».
Les lépreux, aujourd’hui, qui sont-ils ? Impossible d’oublier les dix millions de lépreux à travers le monde. Mais, nos lépreux à nous, où sont-ils ? Ils ne sont pas loin. Je ne connais aucune famille, aucun groupe qui n’ait ses lépreux. La lèpre représente tout ce qui me coupe, me sépare des autres et m’empêche de faire corps avec eux. Le récit que nous lisons aujourd’hui nous parle donc de nous et de notre histoire personnelle. Car c’est aujourd’hui que Jésus vient me guérir de toutes mes lèpres intérieures qui me rongent : mes manques de confiance, d’amour, mes préjugés, mes peurs de l’autre, de l’étranger, mes désirs de possession, de domination, mes jalousies… Croyons-nous que la contagion de l’amour peut l’emporter sur la contagion du mal ? Pour Dieu, il n’y a pas de lèpre qu’il ne veuille guérir. Soyons témoins de cette bonne nouvelle.